« La métaphore de la graine », ou les 5 éléments – 3/5 : TEJAS, le feu

L’Ayurvéda répertorie 5 éléments ou pour être plus précise 5 états principaux de la matière (Pancha Maha Bhuta) :

  • l’éther ou espace (Âkâsha),
  • l’air (Vâyu),
  • le feu (Tejas),
  • l’eau (Jala),
  • la terre (Prithvi).

Ces éléments sont intimement liés. Ils ne peuvent exister les uns sans les autres, car ils évoluent par l’intermédiaire de leurs interactions. C’est à travers eux que s’exprime le mouvement perpétuel de la vie, d’où la métaphore de la graine pour en illustrer le principe.

 

D’où viennent les 5 éléments?

Les 5 éléments viennent des 3 Gunas ou qualités primordiales que sont Sattva, Rajas et Tamas.

Sattva est le principe de lumière associé à la perception. Cette qualité apporte l’intelligence et l’harmonie. Rajas correspond aux principes d’activité, d’énergie, d’émotion, mais aussi de turbulence. La troisième qualité, Tamas est le principe d’inertie, d’obscurité, par conséquent de lourdeur et de résistance aux mouvements de toutes sortes.

Chacune de ces trois qualités est nécessaire dans les cycles naturels.

Sattva est la qualité harmonieuse et équilibrée de l’esprit, tandis que Rajas et Tamas affaiblissent la qualité de notre perception ainsi que l’accès à la clarté et à la conscience. Aussi, les personnes qui favorisent Sattva accordent de la valeur à la vérité, à la clarté. Les personnes chez qui Rajas est prédominant s’intéressent davantage au pouvoir, au prestige, à l’autorité et au contrôle. Elles sont souvent asservies par leurs émotions et attirées par les extrêmes. Les personnes dominées par Tamas vivent plutôt dans la peur, la servilité, demeurant ainsi dans l’immobilité et l’ignorance.

Ces qualités de l’esprit se retrouvent également dans la nourriture, les plantes et le mode de vie. L’Ayurvéda classe les plantes et les aliments selon ces trois qualités primordiales. Certaines nourritures sont sattviques (aliments légers à saveur douce, comme le riz par exemple), alors que d’autres sont rajasiques (aliment piquants ou acides, comme l’ail), ou tamasiques (aliments lourds et gras). Tout est bien évidemment une question d’équilibre.

Donc pour augmenter Sattva il est important de mener un mode de vie sattvique : yoga, méditation, techniques de respiration, etc…, et de consommer des aliments sattviques. Il est parfois nécessaire, en fonction de sa constitution et de ses déséquilibres de consommer des aliments rajasiques et tamasiques. En effet, les conditions rajasiques peuvent être corrigées par Tamas, et inversement, quand il est trop compliqué de passer directement par un mode de vie et une alimentation sattvique dans un premier temps. Il est important de considérer le fait que les personnes qui ont connu un mode de vie rajasique et/ou tamasique pendant de longues années procéderont par étapes pour modifier leurs habitudes, et opérer des changements efficients et durables.

De Sattva émane l’éther, Akasha, le premier élément. De Rajas, l’énergie, jaillit Tejas, le feu, et de Tamas, la terre, Prithvi. Entre Sattva et Rajas apparait Vayu, l’air (à la fois subtilité et mobilité véhiculée par l’énergie), et entre Rajas et Tamas, l’eau, Jala, (qui est à la fois mobile et inerte selon le contenant, le terrain…).

 

Que sont les 5 éléments?

Les 5 éléments sont en fait les cinq densités de la matière visible ou invisible. Matière invisible, cela peut paraitre contradictoire. En fait, les sens subtils que sont l’ouïe, le toucher, la vision, le gout et l’odorat émanent respectivement des éléments éther, air, feu, eau et terre.  Ainsi les saveurs, qui sont une des qualités subtiles des aliments et des plantes sont également répertoriées en Ayurvéda dans le Dravyaguna*, ou connaissance des attributs des substances.

L’observation de ces états de la matière est primordiale en Ayurvéda. En effet, chaque élément a des propriétés spécifiques qui sont décrites par les 20 attributs ou qualités (si vous voulez connaitre les 20 attributs, un article ici). L’expression « état de la matière » n’est pas anodine. En cela, elle exprime l’aspect provisoire de tout ce qui existe. Il suffit d’observer le cycle des saisons pour nous en rendre compte. Au printemps, nous regardons les feuilles pousser sur l’arbre, pour les voir tomber sur le sol en automne. Ces feuilles séparées de l’arbre nourricier sèchent sous l’effet du soleil. En contact avec l’humidité du sol, elles se décomposent pour se mêler à la terre et la fertiliser. Cette même terre nourrit l’arbre qui va à nouveau faire pousser des feuilles, etc… Et ainsi de suite. La vie obéit à un cycle, et ce mouvement permet à son tour la vie. La vie est mouvement et le mouvement est la vie. Observer la nature à ce titre est riche en enseignement.

Ainsi les éléments, de par leurs propriétés, sont une preuve manifeste de l’état dans lequel la matière se trouve au moment où nous l’observons. Nous percevons par conséquent un instant spécifique du processus en cours. Le matière n’est pas figée. Elle est en mouvement constant. Même les propriétés de la pierre la plus dure varient au cours de la journée, ne serait ce qu’avec la température qui varie en fonction de l’exposition au soleil. S’asseoir sur une pierre chaude ou une pierre froide ne procure pas les mêmes sensations. Ca parait anodin, mais ça ne l’est pas, car nous réagissons à ces informations. En évaluant les situations dans lesquelles nous nous trouvons, nous sommes amenés à prendre des décisions, et à agir, ce qui a un impact sur notre vie et sur ce qui nous entoure.

Petite précision : quand nous parlons d’un élément, mettons l’élément feu, nous ne parlons pas vraiment du feu au sens propre du terme. Il en va de même pour chaque élément, d’où la difficulté de s’en saisir pour comprendre leurs propriétés. L’élément ou état de la matière tel que nous l’envisageons ici parle davantage du produit (temporaire) d’un processus que d’une chose matérielle ou palpable. Donc Akasha est éthérique, Vayu est gazeux, et le feu rayonnant.  

 

En quoi observer les éléments, ou états de la matière est si important pour qui veut préserver son équilibre et rester en bonne santé? 

Nous sommes constitués à différents degrés de ces 5 éléments, tant d’un point de vue physique, énergétique, émotionnel, que mental. Comme ces éléments possèdent des propriétés, nous sommes à même de reconnaitre nos caractéristiques, et ce dont nous avons besoin pour maintenir notre équilibre et notre bien-être. Par exemple, une personne qui présente une structure corporelle plutôt lourde et épaisse, à la peau lisse, avec de grands yeux, possède davantage d’éléments terre et eau qu’une personne toute fine avec les articulations proéminentes. Cette dernière possède manifestement des attributs relatifs à Vata Dosha, dont les éléments majeurs sont l’éther et l’air.

En Ayurvéda, il existe un principe qui dit le même augmente le même. Or, si vous avez une constitution de type Vata, cela veut dire que vous possédez déjà les éléments air et éther en quantité importante dans votre corps. Pour rester dans votre zone d’équilibre, et éviter une augmentation de Vata Dosha qui peut vous mener au déséquilibre, il est préférable d’éviter de consommer des aliments qui présentent des propriétés identiques à Vata Dosha, c’est à dire tout ce qui est froid, sec, craquant et léger (crudités, etc…) et de saveur amère (la saveur amère est composée des éléments éther et air). Il en va de même pour le climat… Il est préférable d’éviter de s’exposer aux vents froids et forts si vous êtes de constitution Vata ou si vous avez un déséquilibre Vata.

Attention, les Doshas ne sont pas les éléments. Les Doshas sont les fonctions intelligentes qui, à travers Prana (l’énergie vitale, un article ici) mettent les éléments en mouvement pour effectuer une tache spécifique. Par exemple, Vata Dosha met l’éther et l’air en mouvement pour réaliser les fonctions liées à la communication, à la gestion et la régularité des cycles.

Donc pour diminuer un Dosha, et par conséquent des éléments en excès, il faut appliquer les qualités contraires du Dosha en excès. Par exemple, pour diminuer Vata Dosha aggravé, il conviendra de consommer des aliments chauds, onctueux, sans être trop gras, de saveur douce (composés de terre et d’eau), salée (composés d’eau et de feu).

 

L’élément feu ou la transformation.

La métaphore de la graine continue aujourd’hui avec l’élément feu, Tejas en sanskrit. Nous allons voir à quel stade de développement de la graine le feu correspond. Nous avons vu que l’éther se propage dans toutes les directions dans l’espace. L’air, quant à lui, se déplace dans un mouvement unidirectionnel (une direction à la fois), mais peut changer rapidement de sens. Autant, l’éther marque le moment où l’intérieur de la graine entre en vibration pour donner l’impulsion de vie, l’air intervient au moment où la graine se renfle à un endroit précis pour que le germe puisse percer la coque et entrer en contact avec l’extérieur. Pour en savoir plus sur le premier élément, l’éther ou l’espace (Akasha), un article ici, et pour Vâyu, l’élément air, un article ici.

Le feu est sec, léger, subtil, mobile, rugueux, dur et clair. En cela, il a gardé une partie des propriétés de l’élément précédent, l’air. A ceci près que le feu est chaud, alors que l’air est froid, et c’est ce qui fait toute la différence! Son mouvement est rayonnant, comme l’éther. En cela, il est subtil mais chaud, contrairement à l’éther qui est froid. L’élément feu est en relation avec la région de l’abdomen (maison mère de Pitta, avec l’intestin grêle) et le système digestif. Il est également relié au sens subtil de la vision. Il est par conséquent également relié aux yeux.

Tejas, le feu est à l’origine du feu digestif (Agni) pour digérer et transformer les aliments. Il modifie et transforme les propriétés de la matière. Dans notre corps, il re-combine les molécules et convertit ce que nous mangeons en énergie pour nourrir les tissus. L’Ayurvéda répertorie 7 couches de tissus corporels (Dhatus). Chaque couche de tissu comprend un feu digestif, dont le produit va nourrir la couche de tissu suivante, etc… D’où l’importance d’un feu digestif équilibré, ni trop fort, ni trop faible…

Dans le registre de la pensée, le feu est à l’origine de l’intelligence pratique qui permet de développer nos capacités d’analyse et d’organisation pour transformer les idées (créativité mise en mouvement par Vata Dosha) en choses concrètes. Nous apprenons, digérons et assimilons les connaissances nécessaires à l’élaboration de projets. Le feu est également relié aux désirs de toutes sortes, la faim, la soif, l’activité sexuelle, et en cas extrême, au délire qui vient d’un excès de chaleur dans le corps.

Pitta Dosha régit la transformation, la digestion. Il est composé des éléments feu et eau. Cette alliance permet la transformation des aliments sans bruler les organes. Cela est dû à la présence de l’eau. Cependant, si le feu vient à augmenter, il finit par aggraver Pitta Dosha, ce qui provoque des inflammations et de l’acidité. Le feu seul brule la matière et la transforme.

Dans la métaphore de la graine, le feu correspond au moment où le germe se transforme en tige, puis, sortant de terre, en contact avec l’air, la lumière naturelle et la chaleur, commence à produire ses premières feuilles pour faire sa photosynthèse. Avec le feu, nous assistons à la transformation du germe en plante prête à réaliser les transformations nécessaires pour croitre, via la photosynthèse, c’est à dire la métabolisation de la lumière du soleil en énergie pour produire de la matière végétale. Ainsi la plante peut se développer, continuer à grandir et à vivre. Ainsi elle va pouvoir produire des fleurs, des fruits, puis des graines…

Pour finir, parallèlement à cette métaphore de la graine, le Panchangam relie les différentes parties de la plante aux éléments. Ainsi, les fleurs correspondent au feu, les feuilles à l’air, le fruit à l’éther. Enfin la graine contient potentiellement les 5 éléments, dont l’éther.

 

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*Dravyaguna nous enseigne les propriétés des aliments et des plantes pour savoir ce que nous pouvons manger, boire, quand et comment en fonction de nos caractéristiques personnelles dans le but de préserver notre équilibre et vivre le plus longtemps possible en bonne santé.

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