La noix de muscade

Sur notre photo, vous pouvez voir un muscadier avec ses fruits qui contiennent la fameuse noix de muscade. Aisément reconnaissable à son parfum unique et prononcé, la noix de muscade est une épice encore fort méconnue en France, souvent associée à la sauce béchamel et à la purée de pomme de terre. Mais elle contient bien plus de qualités que cela… Nous allons voir qu’elle gagne à être davantage connue et utilisée tant dans nos fourneaux que nos pharmacies.

 

La petite histoire

C’est dans l’Archipel des Iles Moluques (Indonésie), en Inde et en chine que nous retrouvons les premières traces de l’existence des muscadiers. L’arbre a été importé par les arabes à Alexandrie au 6eme siècle, et se retrouve en Europe au 9eme siècle. Au Moyen Age, la muscade était particulièrement appréciée dans les parfums.

Selon le Ramayana (épopée mythologique en langue sanskrite), les marins austronésiens, venant probablement de Chine, naviguaient jusqu’en Inde pour apporter la fameuse épice dès l’an 300 avant Jésus Christ.

Les portugais ont débarqué sur les Iles Moluques au 16eme siècle. Ils ont dans un premier temps tenté de créer un embargo sur le commerce de la muscade. Le but était d’aller se servir directement à la source sans passer par les arabes, qui achetaient l’épice aux asiatiques et la revendait à prix fort. Ils finirent par s’installer sur d’autres iles laissant le champ libre aux hollandais. Ces derniers s’engagèrent dans plus de 100 ans de conflits avec les britanniques pour conserver les Iles de Run et de Ai et leurs précieuses ressources parmi leurs colonies.

En effet, un gramme de poudre de muscade valait plus cher qu’un gramme d’or à l’époque. Comme l’épice était particulièrement recherchée, elle attirait toutes les convoitises… C’est le traité de Breda qui mit un terme aux luttes qui divisaient les compagnies hollandaises et britanniques. Ainsi la Hollande céda une de ses terres à l’Angleterre, c’est à dire Niuw Amsterdam sur l’Ile de Manhattan (actuellement New York) en échange de l’Ile de Run. Tout cela ne fut bien évidemment pas sans conséquence pour les habitants de ces îles qui virent leurs ressources naturelles s’épuiser ou détruites par les colons.

Les français commencèrent à planter des muscadiers sur l’Ile de la Réunion et l’Ile Maurice au 18eme siècle, puis en Guyane et dans les Antilles. Le Guatemala est aujourd’hui le premier producteur mondial, suivi de l’Inde puis de l’Indonésie.

 

La plante

La noix de muscade ou Myristica fragrans, ou Jâtîphala en sanskrit, pousse sur le muscadier, un arbre qui peut atteindre jusqu’à 15 mètres de haut. Son feuillage est persistant et sa floraison dure toute l’année. Les arbres portent soit des fleurs mâles, soit des fleurs femelles, et seuls les arbres femelles donnent des fruits.

 

 

Cet arbre se trouve principalement dans les zones tropicales. En effet, sa croissance nécessite une température de 22°C, un sol humide, situé à proximité de la mer. Le muscadier doit cependant être protégé des rayons directs du soleil. L’arbre pousse environ entre 6 à 8 ans avant de donner ses premiers fruits, et c’est entre 15 et 60 ans qu’il produit le plus, à raison de 2000 fruits par an environ.

Le fruit du muscadier est une baie ovoïde dense et dure de couleur jaune qui tient dans la main. Il faut compter environ 7 mois entre la floraison et la cueillette du fruit mûr. Le fruit renferme une graine de couleur marron à marron foncé qui fait environ 3cm de long, de forme ovoïde également. La graine est entourée d’une coque qui est elle même entourée d’un arille, une sorte de membrane qui vire du jaune au rouge vermillon en fin de croissance. Une fois que le fruit s’ouvre en deux par le bas, la graine marron apparaît recouverte de l’arille rouge. La graine et l’arille tombent généralement par terre pour être récoltés, mais ils peuvent également être cueillis sur l’arbre dès que le fruit est fendu.

 

 

 

Après la récolte, les graines sont laissées tour à tour au soleil et à l’ombre (pour éviter que les lipides contenus dans la graine ne disparaissent). Elles sont laissées ainsi pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce que la graine à l’intérieur de la coque commence à bouger. La coque est alors brisée et le noyau que nous appelons noix de muscade, récupéré.

L’arille une fois séchée prend le nom de macis, ou fleur de muscade.

 

L’épice aux fourneaux

La noix de muscade entre dans la composition du curry, du ras el hanout, et de plein d’autres mélanges d’épices à travers le monde. Sa saveur est piquante (saveur composée des éléments feu et air). En cela elle réchauffe le palais. Elle est également légèrement astringente (éléments terre et air). Le parfum de la noix de muscade est plus doux et délicat que celui du macis. Cependant, en bouche, c’est la noix de muscade qui a une saveur plus piquante. La saveur du macis est plus délicate, mais encore très peu utilisée dans la cuisine occidentale. La muscade est utilisée avec parcimonie car très parfumée.

La muscade se trouve sous forme de noix séchée à râper, ou déjà réduite en poudre, mais elle se décline également sous forme de préparation comme le beurre de muscade, l’huile essentielle de muscade, et l’huile de muscade. Les fragments de macis séchés sont consommés tels quels ou réduits en poudre. il est également possible de trouver de l’huile essentielle de macis.

En Indonésie, le beurre de noix de muscade est consommé dans des sortes de petits pains enveloppés dans des feuilles de palmier.

En France, nous l’employons majoritairement sous forme de noix à râper ou en poudre pour cuisiner les sauces épaisses comme la sauce béchamel, ou dans les gratins de pomme de terre, les purées, les soufflés, etc… Elle est également utilisée pour parfumer les plats en sauce pour accompagner le veau ou l’agneau, mais aussi le poisson, les oeufs.

La noix de muscade accompagne également le vin chaud, la bière, le punch, et autres cocktails comme l’egg nogg. Quant au macis, il est davantage utilisé pour parfumer les plats sucrés.

En fait, une pincée de muscade dans un sauté de légumes (avec des courgettes, des champignons, des oignons et des noisettes, par exemple), une soupe (de butternut avec du lait de coco et des lentilles corail, pourquoi pas), ou un dessert  (comme une tarte à la farine de châtaigne avec des quetsches) donne du caractère à votre cuisine tout en augmentant la digestibilité de vos plats et l’assimilation des nutriments.

 

Les vertus médicinales

C’est surtout la graine du fruit qui est utilisée dans ce domaine. La noix de muscade est de saveur piquante et astringente. Elle réchauffe l’organisme, et a un effet post-digestif piquant sur le long terme. Du ce fait, elle aggrave un Pitta Dosha déjà bien élevé, alors qu’elle diminue Vata Dosha et Kapha Dosha (à cause de la chaleur contenue dans la saveur piquante qui apaise Vata et Kapha qui sont plutôt de qualité froide).

A ce titre, la noix de muscade est l’une des plantes les plus utilisées en Ayurvéda pour diminuer Vata Dosha.

En effet, elle est l’une des meilleures épices pour augmenter l’absorption des nutriments, notamment dans l’intestin grêle (surtout quand elle est mélangée avec de la cardamome et du gingembre). Elle agit sur les intestins, les douleurs et les distensions abdominales, car elle soulage les spasmes musculaires des intestins en équilibrant le mouvement péristaltique. La muscade aide à lutter contre la malabsorption, la diarrhée, la dysenterie, les gaz intestinaux. Par contre, il est préférable de l’éviter en cas d’inflammation des organes intestinaux ( liée à Pitta Dosha en excès). C’est aussi une très bonne épice pour réguler Agni (Agni est le feu digestif en Ayurvéda, essentiel pour une bonne digestion et assimilation des aliments. Si vous voulez en savoir plus, un article ICI). Le macis est également utilisé pour ses propriétés digestives et carminatives.

La noix de muscade fortifie le système nerveux. Elle apaise l’esprit et est un très bon sédatif, ce qui peut paraitre étrange au regard de ses saveurs (piquant et astringent). Il s’agit d’une action spécifique nommée Prabhava.

Aphrodisiaque, elle peut s’utiliser contre l’impuissance masculine et l’éjaculation précoce. Elle est également efficace pour traiter l’incontinence urinaire.

Enfin elle favorise la liquéfaction de Kapha Dosha (du fait de la chaleur de la saveur piquante combinée à l’astringence qui aide à nettoyer les tissus), ce qui peut être efficace en cas de problèmes respiratoires.

La noix de muscade peut se consommer en poudre dans une infusion (attention à ne pas la faire bouillir), ou en décoction dans du lait (le lait de chèvre frais non pasteurisé est préférable au lait de vache) ou de l’eau chaude, à raison de 250 à 500mg de noix de muscade en poudre dans 240ml de lait ou d’eau chaude, 2 fois par jour. Cette infusion est fortement indiquée en cas d’insomnie.

L’huile de noix de muscade s’utilise également à raison de 15 gouttes en usage externe maximum par jour, pour traiter l’impuissance, les rhumes, les grippes, soulager le mal de tête (sur le front, les tempes).

Par contre, faites attention : il convient de ne pas consommer plus de 6g de noix de muscade par jour. Au delà de cette quantité, elle devient toxique. La noix de muscade est tamasique (du fait de ses qualités lourdes et huileuses), c’est à dire qu’elle ralentit l’activité de l’esprit. En cela, la noix de muscade est un très bon nervin, en respectant les quantités conseillées. Au delà, elle devient dangereuse pour la santé. De même, évitez de consommer la noix de muscade pendant la grossesse.

 

Comme vous avez pu le constater, la noix de muscade renferme nombre de qualités et de propriétés. Donc allez y, laissez votre curiosité et votre créativité s’exprimer 🙂 !

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *