Stimuler les sens

« Nothing can substitute for nature, either in living or in cooking. The more we depart from nature in our living habits, the more we must suffer in the long run. »

« Rien ne saurait être substitué à la nature, que ce soit pour la vie, ou pour la cuisine. Plus nous nous écartons de la nature dans nos habitudes de vie, plus nous souffrons sur le long terme. » The ayurvedic cookbook.

 

Rédiger des recettes m’apprend beaucoup de choses sur moi même et ma manière de percevoir mon environnement. Ma manière de cuisiner et de manger est aussi importante que les ingrédients que j’utilise, car elle est révélatrice de mon rapport à la vie.

Manger ce que la nature peut m’offrir de meilleur ne sert à rien si c’est pour en faire n’importe quoi, n’importe comment, ou l’utiliser de manière inappropriée.

Or l’Ayurvéda me fournit les clés pour apprendre à faire preuve de discrimination : c’est à dire distinguer ce qui correspond à mes besoins parmi un ensemble de possibilités qui s’offrent à moi. L’observation de l’effet de mes choix sur mon métabolisme et mes humeurs sera mon meilleur feedback (retour d’information). A moi d’être le plus honnête possible avec moi même, et d’ajuster mes comportements alimentaires et mon mode de vie en conséquence.

Ma manière d’agir révèle mes intentions qui conditionnent ma capacité à prendre des décisions. Nous sommes multiples tant que nous ne prenons pas de décision. Une décision ouvre une porte sur un champ de possibilités. C’est précisément à ce niveau là que nous exerçons notre libre arbitre et que nous devenons clairs et responsables vis à vis de nous même et des autres.

C’est la raison pour laquelle je prends le temps de vous expliquer le processus qui m’amène à choisir tel aliment, et à le cuisiner de tel manière à un moment précis. Ça peut être une affaire de rencontre : je passe du temps avec quelqu’un qui me donne des légumes qui viennent de son jardin. Ça peut être une belle surprise : je me ballade en forêt, et je tombe sur deux beaux cèpes, puis des châtaignes. Le sourire jusqu’aux oreilles, je les ramasse tout en sachant déjà ce que je vais faire de ces petits trésors… Ça peut être une affaire d’envie : je vois des légumes sur un étalage au marché. Je sens mon corps s’animer à l’idée de leur association avec des épices. Je commence à saliver, je les touche pour les sentir, ce qui me permet d’entrer plus profondément dans mon expérience. Tous mes sens sont une source d’inspiration. Aussi travailler à leur acuité est essentiel. Je vous propose un petit exercice destiné à cet effet.

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Voici une petite expérience… que je vous propose pour exercer l’acuité de vos sens.

> Vous êtes dans une pièce. Prenez le temps de regarder autour de vous. Un objet attire particulièrement votre attention. Asseyez vous en face de lui.

> Fermez les yeux. Inspirez et expirez profondément quatre fois.

> Ouvrez les yeux et fixez l’objet pendant quelques minutes. Observez les moindres détails, attardez vous sur la texture, les formes, les couleurs, tout ce qui peut attirer votre attention.

> Puis fermez les yeux, baissez la tête tout en inspirant profondément.

> Relevez la tête en ouvrant les yeux au moment de l’expiration.

> Levez vous. Faites vos tâches ménagères, marchez, occupez vous pendant quelques minutes.

> Puis revenez vous asseoir au même endroit.

> Regardez autour de vous. Peut être percevrez vous autrement votre environnement et les objets qui vous entourent…

Quand vous portez votre attention sur quelque chose, vos sens ont tendance à s’aiguiser et à faire preuve de davantage d’acuité. Vous percevez alors des détails que vous ne voyez pas forcément en temps normal. Les couleurs vous paraissent plus vives, les textures sont plus nettes et plus précises. La vision est le sens le plus rapide chez l’homme, aussi il est souvent le plus sollicité. Vous pouvez refaire cet exercice de manière à solliciter vos autres sens, et porter votre attention sur chacun d’entre eux. Ainsi vous générerez une synesthésie (association des sens) qui rendra votre expérience plus riche.

Un exemple : vous faites un feu dans un poêle ou dans une cheminée. Si vous n’en avez pas, prenez une bougie. Asseyez vous en face du feu ou de la flamme, et observez chaque détail : la couleur, la texture, le mouvement… Puis tout en continuant à concentrer votre regard sur le feu, commencez à porter votre attention sur un autre de vos sens, par exemple, l’ouïe. Et ainsi de suite avec l’odorat, le toucher et le goût. L’association de vos sensations densifie votre expérience : la couleur et le mouvement des flammes accompagné du son de crépitement du feu, de l’odeur du bois en train de brûler (ou de la bougie en train de fondre), de la chaleur ressentie en rapprochant un peu vos mains. Il est clair que vous éviterez de goûter le feu. Dans ce cas, imaginez vous le goût qu’il pourrait avoir. Peut être que des images, des émotions, des idées viendront vous rendre visite. En écrivant, j’ai l’image d’un dragon et d’un volcan qui me sont apparus, avec le goût du piment. J’ai chaud au niveau du plexus solaire et des joues. Ça me donne envie de dessiner et de boire un verre d’eau. Ce type d’expérience stimule les sens, le corps, mais également la créativité et l’imagination. C’est également une occasion de vous amuser et de jouer un peu avec l’enfant qui sommeille en vous…

 

Chaque situation est différente. Le seul point commun, c’est la vie. Par association, et en fonction du contexte et de mes besoins du moment, une histoire commence à s’écrire. Je laisse venir à moi. Tout cela est possible, car je me rends disponible à ce qui se passe ici et maintenant en moi, et autour de moi dans la bienveillance et le respect.

Ce qui était bon pour moi hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. C’est là tout le travail nécessaire pour évoluer dans la pratique de l’Ayurveda. Ça marche pour la cuisine et l’alimentation, comme pour toutes les activités qui caractérisent la vie. Tout est lié. Aussi, les grandes lignes de la nutrition classique ne sauraient suffire à définir le vivant et nos besoins en terme de nourriture. Les calories, les vitamines, les acides aminés, les protéines abordent l’alimentation sous un angle purement physique et chimique. Le corps est ainsi réduit à une machine qui traite l’aliment comme un carburant duquel est prélevé chaque molécule nécessaire à son bon fonctionnement. Je suis frappée par le vocabulaire encore utilisé de nos jours dans les manuels d’anatomie qui abonde dans ce sens. L’analogie du vivant à la machine nous laisse à penser que l’analyse de chaque partie nous permet de comprendre le tout. Le fait est que la perception du phénomène de vie sous cet angle ne peut être que fragmentée et réduite.

Nos paradigmes conditionnent la perception que nous avons de nous même et de notre environnement.

Les recettes que je vous donne ne sont pas forcément à appliquer au pied de la lettre. Elles sont la démonstration d’une formule, une manière d’arpenter la voie. A vous de lire entre les lignes et d’en prélever le suc, la substance.

Proposer une méthode, une liste sont des actions parfois nécessaires pour commencer à s’exercer. Tout cela est une matière à pétrir pour qu’elle devienne vivante. C’est un support de travail, pas une fin en soit.

 

Mon objectif est de vous donner les clés pour vous amener à :

  • comprendre les besoins découlant de votre constitution et vous relier à vous même et à la vie (d’où l’importance de sentir),
  • devenir entiers et autonomes dans vos choix et comportements alimentaires,
  • retirer de la satisfaction et du plaisir à cuisiner pour vous et ceux que vous aimez.,
  • considérer le fait de vous nourrir et de cuisiner comme un art de vivre,
  • vous appropriez cet art de vivre pour en faire le votre.

 

Vous trouverez certainement bien d’autres choses en chemin. A vous de faire vos recherches en fonction de vos besoins, en accord avec vous même, votre sensibilité et votre environnement. Chacun d’entre nous est unique, je le rappelle!

3 réflexions sur “Stimuler les sens”

  1. Salut Michèle

    Je suis en phase avec toi sur cette manière de fonctionner, qui correspond à ce que j’essaie d’être, sans connaitre l’ayurveda.

    Je veux apporter ma façon de voir les raisons qui ont fait que l’homme va vers cette « analogie du vivant à la machine  »

    On sait qu’a la naissance de l’industrialisme la démarche était inverse, l’homme a vu la possibilité d’améliorer son sort en recopiant la nature. Ses premières copies ne furent que des schémas grossiers, mais cela fonctionnait…. Nous savons maintenant qu’il s’agit d’une illusion aussi bien à court qu’a long terme.
    Le court terme de cette illusion a favorisé le développement de l’industrialisme qui a abouti à faire fonctionner l’homme dans la vénération de ce monde industrialisé. Lequel prétend nous simplifier la vie. Je sais de quoi je parle, ayant été un adepte, pour ne pas dire un croyant fidèle à l’idée que le modernisme industriel était la seule espérance et que « hors la consommation de masse, point de salut »
    Le monde des machines est devenu notre monde de référence, et aussi une religion incontournable, avec ses adorateurs ,ses grands prêtres, ses sacrifices, ses rituels…La machine est déifiée.

    L’homme désire ressembler à ce qu’il déifie. Cette démarche lui semble rassurante, ou sécurisante pour utiliser un mot à la mode car alors il « sera » dieu lui même. Le dieu d’un simplisme matérialiste, certes, mais dieu quand même.

    En bref:
    -L’homme crée le machinisme sur la base de copies grossière de la nature, dans la mesure de ce qu’il sait en connaitre.
    -Il améliore et perfectionne ces machines à tel point seule une petite part de l’humanité, les spécialistes, sont capable de les maitriser.
    -Il s’imagine être le maître absolu de ces machines, alors même que leur existence ne dépend que de ce que la nature peut lui donner.
    -Il se convainc spirituellement de pouvoir ressembler à ses machines qui le fascinent, et auxquelles il obéit aveuglément. Il se persuade de n’être lui même qu’une sorte de machine un peu mieux élaborée, et pire, de pouvoir l’améliorer …Il sera alors dieu sur terre car il aura l’illusion de maitriser la vie.
    Pour ce faire il aura quasiment tout détruit autour de lui!

    Il me semblait important d’en souligner la cause.

    Ce type est fou! et dangereux pour la vie car comme tu le dis il fragmente, il réduit son environnement.
    L’hommo-industrialis est une forme de vie parasite.

    L’espoir tient dans le fait qu’il est aussi un être spirituel capable de suivre des intuitions issue d’ailleurs que de son cerveau reptilien.
    L’avenir radieux est-il lié à la présence de notre matière grise, et de son usage en direction d’une réflexion globale et non plus fragmentée et synthétique?
    Merci d’apporter ta part constructive à cette réflexion globale.

    A bientôt

    1. Bonjour Pascal, Merci à toi d’enrichir mes posts de tes réflexions et de ta présence!
      Nous pensons souvent et à tort que les notions d’environnement et d’écologie datent du 20eme siècle, alors qu’elles sont bien antérieures à la fin de la seconde guerre mondiale. Elles ont débuté avec l’ère industrielle qui véhiculait un certain mode de pensée, de vie, une manière de voir le monde, que tu exposes assez bien dans ta réflexion. Cela commence donc à faire longtemps que nous sommes conditionnés à vivre de la sorte. Peut être que tu connais les recherches de Jean Baptiste Fressoz, un historien des sciences, techniques et de l’environnement?
      Je te souhaite de bonnes fêtes de fin d’années!

      1. Bonjour Michèle,
        Voilà un auteur que je ne connait pas il faut que je le trouve, pour d’affiner ma pensée sur ce sujet.
        Je viens d’apprendre que Jean Marie Pelt est mort, et je suis tout trisse car c’est un monsieur qui m’a apporté beaucoup…..
        Bonnes fètes à toi aussi

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