Un ami m’a donné quelques côtes de blette de son jardin. Ça m’a donné envie de vous proposer ce plat que j’ai improvisé. Il est assez rapide et facile à préparer, ce qui est idéal pour le repas de midi par exemple.
Je pars souvent d’un ingrédient de base, ici la blette, puis je me laisse guider en fonction de mes envies du moment, et de ce que j’ai sous la main. Dans un premier temps, je me demande avec quel autre légume la blette serait susceptible de bien s’accorder. Aujourd’hui je choisis le panais que je peux trouver sur les étalages des marchés tout l’hiver.
La blette a une saveur astringente (Kashaya) et amère (Tikta), ce qui en fait un légume plutôt recommandé pour les types Pitta et Kapha. Il a un effet rafraîchissant sur le métabolisme (il contracte la matière et les vaisseaux, et ralentit le métabolisme). Cependant, si elle est consommée en grande quantité ou trop fréquemment, elle aggrave Pitta, à cause de son effet post digestif qui est piquant (Katu).
Vipaka ou « effet post digestif » est une spécificité de l’Ayurvéda qui concerne l’effet à long terme de la consommation d’un aliment. Un exemple : vous mangez une banane par jour pendant deux semaines. La saveur de la banane est principalement sucrée et neutre (Madhura), mais son effet sur le long terme est acide (Amla). Une consommation excessive de banane peut donc aggraver un Pitta déjà un peu trop enflammé… Cette subtilité s’explique par le fait que la digestion comprend trois étapes et que l’effet post digestif concerne la dernière partie de la digestion, la phase Vata, celle qui est responsable de l’assimilation des nutriments les plus subtils et du traitement des déchets. Je vous invite à lire l’article que j’ai rédigé à ce sujet. Pour aller plus loin et sortir du vocabulaire strictement ayurvédique, plusieurs réactions chimiques s’effectuent dans l’organisme au moment de la digestion. Aussi, tout comportement alimentaire produit des effets sur notre organisme. Quels sont les effets sur le long terme de nos choix alimentaires? Comment faire la part des choses, si ce n’est en apprenant à connaître la propriété des aliments que nous mangeons et leur impact sur notre constitution et notre équilibre… Or, la propriété des aliments en Ayurvéda sont la saveur (Rasa), l’effet sur le métabolisme (Virya) et l’effet post-digestif (Vipaka). A cela viennent s’ajouter les éléments, les attributs et les qualités (Guna). En vous familiarisant petit à petit avec ces concepts à travers vos propres expériences, vous commencez à distinguer et à choisir ce qui est approprié pour vous et votre corps.
La blette est riche en nutriments. Sa consommation, sans être excessive, est recommandée pour les personnes anémiées. Elle est également connue pour nettoyer Rakta, le sang. Le panais quant à lui a une saveur à la fois neutre, voire un peu sucrée, et piquante, ce qui en fait un légume assez surprenant. Sa consommation a tendance à aggraver légèrement Kapha car ce légume est un tonique, donc nourrissant. Il convient aux types Vata et Pitta. Son effet sur le métabolisme (Virya) est réchauffant, et son effet post digestif (Vipaka) est neutre. Il aide à soigner les troubles du foie et de la vésicule biliaire. Il est indiqué dans le traitement des arthrites, des rhumatismes et les maladies des voies respiratoires tels que le rhume, la toux et la grippe.
Le panais mélangé à la blette permet d’équilibrer la recette, ce qui en fait un plat adapté aux trois Doshas : Vata, Pitta et Kapha.
Pour mémoire, il est préférable de se cantonner à 2 ou 3 légumes maximum par repas. Au delà, le corps fournit davantage d’efforts pour comprendre et reconnaître ce que vous lui donnez à manger. C’est un peu comme si vous faisiez quatre à cinq choses en même temps… Le corps possède une intelligence qui lui est propre. La comprendre et la respecter sont les clés pour une bonne digestion, une bonne assimilation… et une bonne humeur !
Une fois les légumes choisis, je me demande quelles épices, quelles herbes et autres accompagnements je vais bien pouvoir ajouter de manière à créer un équilibre entre les saveurs et les propriétés de chaque ingrédient.
La crème de sésame ou tahin est une préparation orientale faite à partir de graines de sésame broyées et mélangées à de l’eau pour obtenir une pâte de texture lisse. Sa saveur et neutre (Madhura) et légèrement astringente (Kashaya). Son action sur le métabolisme est froide. Elle a un goût de noisette et atténue l’amertume de la blette tout en enveloppant la saveur du panais. Qui plus est, le tahin est très riche en calcium et en phosphore. Le sésame est réputé pour équilibrer Vata Dosha. Le cumin, la coriandre et le fenugrec en poudre sont des épices qui aident à équilibrer le feu digestif. Ils facilitent la digestion et parfument délicatement le plat.
Quant au romarin, sa saveur est légèrement piquante (Katu). Son action sur le métabolisme est chaude. C’est une plante que l’on trouve traditionnellement dans le bassin méditerranéen en terrain rocailleux et ensoleillé, mais elle peut facilement supporter le gel, et être cultivée dans un jardin ou en pot. Sachez que le miel de romarin très fin est aussi le miel de Narbonne ou miel blanc. Il était tellement réputé qu’il était exporté jusqu’à Constantinople et en Egypte au 12eme siècle. Il entrait dans la composition de la thériaque, une formule de plantes très célèbre qui a été produite entre autres à Montpellier. Le romarin aide à activer les fonctions digestives et soulage les troubles gastro-intestinaux. C’est un antispasmodique qui inhibe les contractions des muscles lisses (que l’on trouve au niveau de l’intestin grêle). Pour finir, c’est également un antioxydant qui aide à combattre le vieillissement cellulaire.
Voyez comme chaque ingrédient vient équilibrer le plat, l’important étant l’association formée par cet ensemble.
Pour 2 personnes :
1 oignon
1 panais
6 feuilles de blettes
1 cuillerée à soupe de graines de sésame
1 pincée de cumin, coriandre et fenugrec en poudre
1 dizaine de brins de coriandre ou persil plat
1 dizaine de feuilles de romarin
1 cuillerée à soupe d’huile de tournesol
75cl d’eau
2 cuillerées à soupe de pâte de tahin (crème de sésame)
1 cuillerée à café de muscovado ou rapadura (pur sucre de canne)
Sel, poivre
> Pelez le panais, lavez vos côtes de blettes. Coupez les tiges dans le sens de la longueur de manière à obtenir des bandes de blettes que vous allez redécouper en petits morceaux. Faites de même pour le panais.
> Emincez l’oignon.
> Faites votre Vaghar. Mettez une cuillerée à soupe d’huile de tournesol ou de colza (première pression à froid et bio) dans un faitout ou une cocotte. Mettez du Ghee à la place de l’huile si vous en avez. Ajoutez le cumin, la coriandre, le fenugrec avec les graines de moutarde et les graines de sésame.
> Quand vous entendez sauter les graines de moutarde, mettez l’oignon émincé. Faites le revenir.
> Quand vous voyez que les oignons ont bien doré, ajoutez les morceaux de blettes et de panais. Salez, poivrez. Ajoutez le romarin.
> Ajoutez l’eau que vous laissez chauffer jusqu’à ce qu’elle se mette à bouillir. Baissez le feu et couvrez. Laissez cuire pendant 15 à 20 minutes.
> Enlevez le couvercle. Prélevez un peu de votre bouillon dans un récipient. Ajoutez y les 2 cuillerées à soupe de pâte de tahin, et mélangez à l’aide d’une fourchette. Si vous mettez directement la pâte dans la cocotte, ça ne se mélangera pas bien. Une fois bien diluée, vous pouvez verser dans la cocotte et mélanger l’ensemble. Rajoutez la coriandre fraiche ou le persil plat (si vous n’aimez pas la coriandre)
> Rajoutez 1 cuillerée à café de sucre de canne. Ajouter un peu de saveur Madhura (douce) permet d’équilibrer l’amertume des côtes de blette. Assaisonnez à votre goût.
Si votre sauce est encore trop liquide et pas assez onctueuse, vous pouvez laisser cuire encore 10 minutes pour laisser l’eau s’évaporer un peu plus. Sinon vous pouvez diluer une cuillerée à soupe de farine de riz dans du bouillon que vous rajouterez à la cocotte. Ca aidera à épaissir un peu la sauce.
C’est prêt. Je vous conseille de préparer une céréale type boulgour (notre photo), riz ou millet (si vous voulez éviter le blé) en guise d’accompagnement.
Disposez les légumes et céréales dans les assiettes, puis ajoutez un filet d’huile d’olive et pourquoi pas une pincée de paprika en poudre pour ajouter un peu de peps et de couleur à l’ensemble.
Bon appétit!