Rasa : les 6 saveurs, et leur effet sur la digestion et le métabolisme

Nous savions que les aliments et leur préparation produisaient un effet sur la digestion et le métabolisme, mais qu’en est il des saveurs qui semblent pourtant n’appartenir qu’au registre de la sensation? Quoi de plus agréable, en effet, quand nous préparons à manger que la satisfaction de pouvoir voir, sentir, toucher, écouter, goûter. C’est le plaisir et la variété des sens, l’expression de la joie de vivre… et par conséquent, la préparation à une bonne assimilation des nutriments, car c’est précisément à partir de ces moments là que la salive commence à envahir notre bouche et que le processus de digestion se met en route.

Nous alimenter est source de satisfaction pour peu que nous portions notre attention à ce que nous faisons : manger en ayant conscience du fait que nous sommes en train de nous nourrir. C’est très simple. Qu’est ce que se nourrir après tout ? Nous pouvons répondre à cette question sous un angle purement mécanique : en mangeant, nous nous apportons les nutriments nécessaires au maintien de l’équilibre de notre métabolisme, au développement de notre organisme… Mais le fait de se nourrir comprend également des dimensions émotionnelles, spirituelles pour ne citer que celles ci. En effet, se nourrir c’est également s’imprégner, se repaître de quelque chose. Comment expliquer sinon que le fait de manger puisse nous apporter autant de plaisir en le faisant, puis de satisfaction une fois le repas terminé ?

 

Se nourrir met en œuvre un ensemble de processus qui ont un impact sur l’être dans sa globalité.

 

Pour nous y retrouver et faire des choix éclairés, l’Ayurveda classe les aliments par catégories ou Dravyaguna : du sanskrit Dravya, substance et Guna, qualité.

Cette méthode est basée sur l’observation et la reconnaissance de trois aspects :

  • La saveur de l’aliment ou Rasa : il s’agit de l’effet immédiat des aliments dans la bouche et l’estomac qui a une incidence que le processus de digestion dans sa globalité.
  • L’action de cet aliment sur le métabolisme ou Virya : qui a une action chauffante ou rafraîchissante, donc respectivement accélère ou diminue l’activité du métabolisme.
  • L’effet post-digestif ou Vipaka : est l’effet d’un aliment digéré sur le long terme. Par exemple, la banane est un fruit à saveur majoritairement douce (Madhura). Par contre, si vous en mangez plusieurs fois par jour pendant plusieurs jours, la saveur reste douce, mais son effet post digestif devient piquant, ce qui va avoir un impact sur l’assimilation des nutriments les plus subtils au niveau du colon (la saveur piquante augmente Vata, et le colon est la maison mère de Vata Dosha).

 

L’aliment en tant que tel est important, la fréquence de sa consommation l’est tout autant.

 

Une fois n’est pas coutume, il s’agit d’affiner son sens de l’observation. Un aliment peut contenir plusieurs saveurs, c’est ce qui crée un nombre infini de combinaisons, et par extension de préparations possibles. La nature a été généreuse avec nous en nous dotant de sensorialité. A nous d’affiner notre sensibilité, et en faisant preuve de créativité et d’imagination quant à la préparation de nos repas. Manger cru, cuit ? Et cuit comment ? A la vapeur, en papillote, dans un bouillon, dans de l’huile ? Laquelle ? Avec quel assaisonnement ? Quelles épices ?

 

Aujourd’hui, nous allons davantage nous consacrer à la saveur ou Rasa. Voici donc les différentes saveurs recensées dans l’Ayurveda ainsi que leur effet sur le métabolisme :

 

  • La saveur neutre à douce, Madhura, contient majoritairement les éléments eau (Jala) et terre (Prthivi). Cette saveur présente des qualités lourdes et denses. Par conséquent, elle augmente Kapha Dosha (les éléments terre et eau sont très présents chez Kapha Dosha : rappelez vous le même augmente le même…). Madhura diminue Vata Dosha et Pitta Dosha. Elle apporte une énergie froide qui ralentit les activités du métabolisme (ce qui peut également apaiser en cas de Vata ou Pitta trop élevés : elle neutralise les sensations de brûlure, et combat la sécheresse).Elle augmente le développement de tous les tissus. Cette saveur soutient l’immunité, la croissance et Shukra Dhatu (tissus reproducteurs). Elle est adoucissante, et légèrement laxative. D’un point de vue émotionnel, elle apporte la satisfaction et le plaisir. Cependant, si les aliments comprenant cette saveur sont consommés en excès, ils peuvent entraîner l’obésité, la léthargie, la dépression, la congestion liée à l’accumulation de mucus et de toxines (occasionnant rhume, toux, dyspnée, etc…). Elle peut également baisser l’appétit, favoriser l’indigestion, la nausée, car elle ralenti le métabolisme et peut étouffer le feu digestif.

 

  • La saveur salée, Lavana, qui est composée d’eau (Jala) et de feu (Agni). Les aliments comprenant majoritairement Lavana augmentent Pitta Dosha et Kapha Dosha. Ils diminuent Vata Dosha car ils véhiculent une énergie chaude qui favorise la digestion. La saveur salée diminue l’accumulation de toxines et de tissus. Elle augmente la salive, et provoque un léger effet laxatif. C’est un adoucissant et un sédatif. Si cette saveur est consommée en excès, elle peut provoquer les symptômes d’un Pitta Dosha en excès : inflammations, maladies cutanées. Cela tient au fait que la saveur salée comprend les éléments feu et eau, tout comme Pitta Dosha. La différence réside dans le fait que Pitta soit une fonction et Lavana une saveur. Les composants sont identiques, mais leur destination et leur emploi sont différents.

 

  • La saveur acide, Amla : il émane d’Amla une énergie chaude. Cette saveur est majoritairement composée de terre et de feu (Prthivi et Agni). Elle augmente Pitta Dosha et Kapha dosha, et diminue Vata Dosha. On la retrouve entre autres dans les aliments fermentés et saumurés. Elle est à éviter pour les Pitta Dosha en excès.Cette saveur stimule l’appétit et la digestion (Agni). Elle contribue au développement des tissus corporels même si elle possède moins d’action sur la croissance que la saveur douce. Elle n’a aucune action sur les tissus reproducteurs (Shukra Dhatu) contrairement à la saveur douce. Elle est Carminative, c’est à dire qu’elle dissipe les gaz intestinaux. Elle favorise l’acuité des 5 sens tout en apportant de la force, car elle est nourrissante. Elle apaise la soif (contrairement à la saveur salée qui la provoque) et favorise la sécrétion de fluides corporels. Si elle est consommée en excès elle peut provoquer de l’acidité dans l’intestin grêle (maison mère de Pitta Dosha), des brûlures, des démangeaisons, un vieillissement prématuré.

 

  • La saveur astringente, Kashaya, possède une énergie froide. Elle comprend les éléments terre (Prthivi) et air (Vâyu). Elle augmente Vata Dosha, diminuent Pitta Dosha et Kapha DoshaKashaya resserre les tissus et les canaux (Srotas). Elle apporte du tonus tout en favorisant la digestion des aliments. Du fait de son action légèrement réductrice, cette saveur assèche légèrement les muqueuses (sensation des agrumes type citron dans la bouche). Elle stoppe également les hémorragies, les sécrétions type sueur. Elle soigne les muqueuses et la peau. Elle amène la sécheresse dans l’organisme si elle est consommée en excès, ainsi que la constipation, des crampes, l’émaciation, des troubles nerveux, ainsi que la diminution des fluides corporels.

 

  • La saveur amère, ou Tikta, est composée des éléments Akasha et Vâyu, qui sont les éléments les plus légers, secs et mobiles. Par conséquent, elle augmente Vata Dosha, et diminue Pitta Dosha et Kapha Dosha. Son énergie est froide. Tikta est la meilleure saveur pour purifier le sang et pour détoxifier l’organisme (nettoyant, désintoxiquant). Elle réduit les tissus, les fluides, et soulage les brûlures dans l’organisme. La présence majoritaire des éléments air et éther favorise la légèreté de l’esprit. Si cette saveur est consommée en excès, elle refroidit le corps, l’assèche, et ralenti les activités corporelles. Elle peut provoquer des troubles nerveux (car elle assèche le système nerveux ou Majja Dhatu), de la raideur, des douleurs de colique, des maux de tête, la diminution des fluides reproducteurs.

 

  • La saveur piquante, Katu, est composée des éléments air (Vâyu) et feu (Tejas). Elle aggrave Vata Dosha et Pitta Dosha, et diminue Kapha Dosha. Du fait de la présence du feu dans sa composition, son énergie est chaude. Cette saveur est très stimulante et la plus puissante pour faciliter la digestion et activer le métabolisme. Elle est à la fois sèche et chaude. Elle est carminative (dissipe les gaz) tout comme la saveur acide, tout en étant diaphorétique (provoque la transpiration). Elle réchauffe le corps, nettoie le sang, la peau et neutralise les sensations de froid. Si elle est consommée en excès, elle provoque l’émaciation, des sensations de brûlure, de la fièvre, déclenche la soif, des maladies cutanées, ainsi que la diminution des fluides reproducteurs.

 

En guise de synthèse :

Vata Dosha est diminué par les saveurs douces, salées et acides.
Vata Dosha est aggravé par les saveurs piquantes, amères et astringentes.

Pitta Dosha est diminué par les saveurs douces, amères et astringentes.
Pitta Dosha est aggravé par les saveurs piquantes, salées et acides.

Kapha Dosha est diminué par les saveurs piquantes, amères et astringentes.
Kapha Dosha est aggravé par les saveurs douces, salées et acides.

 

L’équilibre des saveurs des plats que vous préparez réside dans la connaissance des saveurs (Rasa) de chacun de ses composants, ainsi que l’effet sur le métabolisme (Virya), et l’effet post-digestif (Vipaka).

Le choix des aliments qui entrent dans la composition d’un plat est le fruit d’un ensemble de qualités et de propriétés à la fois opposées et complémentaires, à mettre en équilibre en fonction de sa constitution et de ses besoins.

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